Vol au-dessus d'un nid de coucou

J’ai eu l’occasion de voir Vol au-dessus d’un nid de coucou (One flew over the cuckoo’s nest) réalisé par Milos Forman, lors du festival international de La Rochelle.

.

Le scénario est l’adaptation du roman éponyme de Ken Kessey. Le récit a tout d’abord été adapté au théâtre par Dale Wasserman (avec Kirk Douglas dans le rôle titre), avant d’être écrit pour le cinéma grâce à Lawrence Hauben et Bo Goldman.

Ce film est ramarquable à bien des égards. Je vais m’intéresser à une caractérisation : celle de l’infirmière Ratched. Le traitement qui lui a été réservé montre clairement l’importance de ce que tous les manuels d'écritures disent : " lorsqu’on écrit, il faut aimer le méchant. " Pour l’aimer, il faut commencer par le débarrasser de ce sobriquet réducteur de méchant, pour ne plus l’appeler qu’opposant.

La structure du film aide à comprendre la caractérisation. Il s'agit d'une chronique, ce qui permet d'affuter petit à petit l'opposition entre l'infirmière et McMurphy, le protagoniste. Car au début du scénario, les personnages ne se connaissent pas, et l'infirmière fait son travail.

.

Je n’ai pas pu avoir le scénario final du tournage, seulement une version intermédiaire*.

°-°

Le synopsis

Le matin, McMurphy arrive à l'hôpital psychiatrique. Il fait la connaissance des principaux patients ; il s’amuse à suivre les engueulades qui fusent de la réunion de thérapie, dirigée par l’infirmière Miss Ratched.

Dans la journée, sur le terrain de basket, il apprend comment marquer au ‘chef Bromden’, un indien. Le soir, il joue aux cartes avec un groupe de handicapé psychiatrique. Il a une altercation avec les infirmières à propos du volume de la musique qui était trop fort et qu’elles ne souhaitaient pas baisser. Par suite, il fait semblant d’avaler les médicaments. Il lance les paris qu’il finira par la mettre dans son lit d’ici un temps donné.

Le soir, McMurphy prend par à la discussion pour la coupe du monde de base-ball. 3 voix sur 9 : pas de changements dans les horaires du planning. Dans la salle d’eau : McMurphy essaie de partir : il n’arrive pas à soulever un bloc. Billy parle du problème qu’il rencontre avec sa mère. On remet le vote d’hier sur la table. Ratched fait un sale coup. McMurphy va faire comme s’il jouait le match, et attire tous les pensionnaires.

Chez le Docteur général : McMurphy explique ce qu’il pense de l’infirmière. Il bluffe pour qu’on le laisse chez les fous.

Episode du camion : McMurphy se sauve de la maison, prend les commandes du bus, et emmène les personnages à la pèche, avec sa petite amie Candy. Ils enlèvent les amarres d’un bateau, ils préparent la pêche. Billy cherche à draguer Candy. McMurphy s’éloigne avec cette dernière. Ils rentrent tous avec des gros thons. Conclusion chez les docteurs : Miss Ratched veut conserver McMurphy.

Le basket : Face aux gardiens, ils font une partie. Billy sort pour équilibrer les joueurs, et la partie devient une grosse comédie.

La piscine, où McMurphy apprend qu’il va rester tout le temps que les docteurs les lui imposent.

Réunion thérapie : il apprend qu’il y a des volontaires. Les volontaires demandent leurs cigarettes. On apprend que Miss Ratched joue avec les nerfs des patients. On voit qu’elle veut isoler les patients tout en disant qu’elle ne veut pas qu’ils se séparent. Le problème de cigarette provoque une bataille. McMurphy veut protéger le patient des gardiens, le chef ‘Bromden’ y prend part : tous finissent aux ‘fou’ violents.

En attendant d’être pris par les hommes de l’hôpital, McMurphy se rend compte que le chef n’est ni sourd ni muet, et sain d’esprit. Ils décident de s’évader et d’aller au Canada. McMurphy passe aux électrochocs.

Retour de McMurphy.

Ce dernier appelle Candy et une amie, pour venir à l’hôpital et s’amuser, avec de la boisson.

Le chef annonce ce qu’il s’est passé pour son père.

Les filles arrivent. Turkle, le gardien, s’isole avec l’une d’entre elles. Tout le pavillon est réveillé. La surveillante passe. Candy se montre derrière Turkle. Il arrive à sauver les meubles.

Fête au pavillon, alcool, filles… les malades sont tous heureux.

Le chef et McMurphy sont prêt à partir. McMurphy propose à Billy de partir avec eux. Finalement, McMurphy laisse Candy dépuceler Billy.

Le lendemain, Miss Ratchell revient. Elle fait les comptes des patients, en faisant sortir les filles. Elle découvre Billy avec Candy. Billy ne bafoue plus. Miss Ratched le culpabilise : Il se suicide.

McMurphy essaie d’étrangler Miss Ratchell. Il est envoyé aux fous.

On dit qu’il s’est évadé, l’indien est inquiet, McMurphy reviens, on lui a coupé les nerfs. L’Indien étouffe McMurphy. Il soulève le bloc de la salle d’eau. Il se sauve.

°-°

.

L'infirmière Miss Ratched

Observons les caractéristiques globales de Miss Ratched, avant de revoir le film au rtavers de son point de vue :

Miss Rached est une subordonnée au docteur Spivey. Son travail consiste à animer les séances de thérapie de groupe, donner les médicaments à heures fixe et faire ses rapports au docteur.

Elle a une quarantaine d'années. Elle est froide et impassible. C'est une professionnelle. Elle ne laisse pas transparaître d’émotions : elle est inconsciement à la limite de l’inhumanité.

Elle souhaite aider ses patients. Le film – est-ce le scénario ou l’interprétation de Louise Fletcher ? – laisse montrer que sous ses airs détachés, elle apprécie ses patients.

Mais c’est une personne qui ne veut pas que l'on modifie ce qui a été pré-établi, tant au niveau de l'emploi du temps, que dans l'évolution mentale de ces patients.

Le film nous montre que laisser les patients dans un état d’avilissement ne les aide pas à guérir, et même, les rends encore plus malade. Mais en contre partie, Miss Ratched les laisse dans cet état pour une bonne cause, puisqu’elle souhaite que ces patients s’en sortent par eux-même (ce qui n’est en rien dégradant). Elle est dans un processus de guérison, et se doit donc de guérir toutes les personnes qui entrent dans l’établissement.

Or dans cette belle horloge, se glisse un grain. Un grain qui s’appelle R. P. McMurphy. Un joyeux drille qui n’est pas du tout malade, mais qui le feint, car il est paresseux et ne veut pas aller travailler.

Les affrontements successifs

Comme l'infirmière est dans un principe de guérison, et que ce trublion ne suit pas la logique de ces malades, alors, elle en conclue qu'il est d'autant plus malade !

La première altercation que McMurphy va avoir avec elle est lié à l'intensité de la musique. McMurphy va entrer dans la loge des infirmières pour baisser le volume du gramophone, et les infirmières vont le rejeter en accord avec le règlement, la loge étant interdite aux patients. Elles ne diminueront pas le volume ensuite, sous sa demande argumentée. Les arguments que Miss Rachell lui oppose partent d'un bon fond, même s’ils peuvent sembler douteux. Le scénario oppose deux arguments logiques. Mais il ne faut pas oublier que c’est l’angle sous lequel la scène est écrite qui rend ce qui ce dit douteux ou non. Imaginons que McMurphy eut été un vieux qui ne vis que grâce à la musique, et qu’un homme viens demander à diminuer le volume, l’argument de l’homme étant de jouer aux cartes, on aurait approuvé la réponse de l’infirmière.

Le deuxième affrontement : Mc Murphy lui demandera de modifier les plannings, pour pouvoir voir la coupe du monde de base ball. L'infirmière s'y opposera : dans sa logique de thérapeute, c'est normal, puisqu’il vient d'arriver, et qu'il n'est pas le maître dans cet hôpital. En tant que modératrice de la thérapie, elle propose de mettre la proposition au vote.

Lorsque la demande va revenir, elle va faire revoter les patients. Mais si McMurphy gagne, elle va prendre en compte tous les patients de l’hôpital. Un changement du système de point de vue peut jouer en sa faveur. Mais le fait qu’elle ne donne pas clairement les règles du vote joue contre elle, dans tous les cas. McMurphy va alors chercher une autre voix, pour passer à la majorité. Et le planning va jouer contre McMurphy, Miss Ratched ne décidant rien au-delà du temps impartis pour la thérapie. Même si le patient s’énerve, sa volonté de ne rien changer peut l’emporter : elle a fait une action qui ne peut être qualifiée de mauvaise.

Dans l'esprit de l'infirmière, McMurphy est un malade. Elle décide d'en fait une affaire personnelle, une fois que McMurphy est allé pécher avec un groupe des patients. A partir de ce moment, elle ne va plus rien laisser passer. Elle montre à McMurphy dans quoi il s'est embringé. Elle ne va plus changer de comportements.

Le climax

A la fin du film, Billy est dépucelé par Candy. Lorsqu'elle s'en rend compte, elle lui demande ce que pourrait en penser sa mère (le rapport à la mère est le gros problème de Billy) .Billy, qui a passé le film à bafouiller et qui après cette nuit ne bafouillait alors plus, repars dans ces anciens travers. Plus grave, il va se suicider. Miss Ratched ne va pas comprendre pourquoi, lorsque McMurphy va essayer de se jeter sur elle, cette dernière va comprendre ça comme un signe de folie dangereuse voir meurtrière. Elle s'en sort... mais elle reprend par la suite une vie ordinaire (bien qu'elle disparaisse de l'écran) qui ne diffère pas de celle qu'elle a vécue jusqu'à présent.

Créer un méchant qui ne l'est pas ?

Le scénariste ne pouvait voir en elle une 'méchante' : ça l'aurait éloigné de la profondeur du personnage. Il voit en elle seulement une opposante, qui reste toujours logique avec elle-même. Suivant le point de vue, le scénariste fait passer une méchante en gentille, ou vice-versa. Et c’est en appréciant les personnages qui vivent dans le scénario, que l’on se rend compte que les méchants ont parfois de plus belles destinées que les bons.

Hitchcock disait** : « plus le méchant est méchant, meilleur le film est »

Certes. Mais si l’on observe le point de vue du méchant, dans la mort aux trousses (North by Northwest) par exemple, le personnage interprété par James Mason croit en ce qu’il fait, et agit pour le bien.

C’est bien le point de vue, qui est la pierre angulaire d’un scénario.

Enfin, le trailer :

Vol au-dessus d'un nid de coucou

* le scénario peut se trouver à l'adresse Internet suivante :

   http://www.weeklyscript.com/One%20Flew%20Over%20The%20Cuckoo's%20Nest.txt

** Hitchcock/Truffaut : édition définitive, 2003, Ed. Gallimard

Comments

[eelsoliver]

Enorme film de Milos Forman avec des acteurs magnifiques et bouleversants: heureusement, la psychiatrie actuelle a bien changé.