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Un amour fictif
10 juillet 2009

My Only Sunshine

J’ai eu l’occasion de voir ce film au festival international de La Rochelle.

 

 

titre2

titre original : Hayat var

écrit et réalisé par Reha Ederm

 

J’ai trouvé ce film turc très beau : il présente un Istanbul sur l’eau, traversé par le Bosphore et ses canaux, peuplé de gens très divers.

 

Le choix du scénariste s’est porté sur une famille issue d’une classe basse de la ville. C’est une famille décomposée, qui réunit trois personnes, trois générations différentes : Hayat, Baba son père et son grand père. Tous trois vivent dans une cabane de trois pièces. Chacun essaye de survivre à sa façon. Hayat, 14 ans, se mure dans le silence, son père fait du commerce et le taxi sur le Bosphore, et le grand père, cloué au lit toute la journée, balance entre la bouteille à oxygène et la cigarette. Le scénariste va suivre la vie du monde qui entoure ces protagonistes au travers des yeux de cette jeune fille.

 

La traduction littérale du titre original est il y a l’existence ou il existe la vie. Le nom donné à cet enfant donne au film un caractère allégorique.

 

Dans ce film plusieurs choses sont remarquables. Nous observerons le choix du lieu avant de venir aux choix des protagonistes.

 

La cabane qu’habitent les trois héros est située sur la rive d’un canal : on peut faire le parallèle entre cette microsociété de trois personnes et les habitants d’Istanbul. L’habitation des protagonistes est placée entre une rivière et un terrain vague. Le film montre surtout l’accès de la cabane par la rivière. De même, Istanbul est placé entre le détroit du Bosphore, et le reste de la Turquie. L’opposition de la cabane au reste de la ville est elle aussi une réplique de l’opposition entre la ville et l’Europe. Sachant les Turcs très informés de tout ce qui se passe en Europe, on pourrait arguer que Hayat va à l’école à Istanbul, que sa mère divorcée y a émigré… c'est-à-dire faire de la ville d’Istanbul l’équivalent de l’Europe. Mais restons en là

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Hayat_Var_1.

 

Micro-société Stambouliote

 

Observons les trois habitants de cette cabanes : Est-ce une image de la Turquie ? 

 

-        Le grand père est la personne la plus âgée du film. Il est cloué au lit. Il a des problèmes de respiration, donc une bouteille d’oxygène, avec laquelle il alterne avec des cigarettes : si Hayat, c’est la vie – nous verrons ensuite la vie de la Turquie nouvelle – alors le grand père serait-il la fin de la vie de la vieille Turquie, hésitant entre la guérison et le poison (et finissant par choisir le poison en revendant le poste de télévision d’Hayat) ? Le grand père dira à Hayat dans le film : « Tu es Stambouliote, ton père est Stambouliote, je suis stambouliote, et ton arrière grand père était Stambouliote. »

 

-         Le père, Baba, joue les intermédiaires avec son « taxi ». Il trafique aussi, (…) à la limite de la légalité, car il se fait prendre en chasse deux fois par la police. Il va aussi se faire battre par un homme à propos d’un autre trafic. Il va néanmoins continuer son petit commerce, jusqu’à se faire prendre par cette dernière ( ?). Il négocie depuis son zodiac de l’alcool ou des femmes, avec les marins des tankers qui passent dans le détroit. « Good kiss, good girls, welcome to Istanbul ! » dira-t-il à deux hommes asiatiques qui s’arrêtent un soir dans sa cabane. 

 

-         Hayat a 14 ans. Elle est déconsidérée par les autres élèves de l’école, elle triche aussi, et elle voit souvent le principal du collège. Elle ne remet pas les lettres du proviseur à ses parents… c’est une rebelle. Cette rebelle devient femme. Elle commence à avoir ses règles. Elle va faire son apprentissage de femme d’une façon un peu violente : Alors que ces draps sont tâchés de sang, sa mère la gifle et lui dit : « Tu es une femme maintenant, ma fille. » Dès lors, Hayat va essayer de rester dans l’enfance. Mais qu’est-ce que l’enfance ? Faire comme les parents, s’habiller comme eux, ou s’habiller comme ses poupées. C’est ainsi qu’elle va par petites touches faire le chemin de l’adolescence…

 

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Hayat_Var_13.

Vers l'extérieur ou vers l'intérieur ?

Au cours de l’histoire Hayat va rencontrer un quatrième personnage tout aussi emblématique : un jeune garçon passionné de football. Il va essayer de la charmer. La première fois qu’Hayat le voit, il a les couleurs du brésil peintes sur le visage. Elle se montre alors insensible. Mais petit à petit, ils vont se recroiser, sans s’aborder. Finalement Hayat va donner de l’argent à ce garçon (celui qu’elle a pris du grand père, vraisemblablement), sans que ce dernier (ni nous-mêmes spectateurs) ne comprenne pourquoi. Murée dans le silence, elle ne va rien dire d’autre. Son père jouant parfois le triste rôle de ‘maquereau’, paie-t-elle ce garçon pour ne pas être associé à son image ? En suivant la supposition que Hayat soit le personnage allégorique de la nouvelle Turquie, qu’est ce que cela implique ? Ne veut-elle pas se faire acheter et vivre par elle-même en société autonome ?

Lors du bref épilogue du film, ils vont se retrouver sur un bateau sans rapport avec la classe sociale du jeune turque. L’ami, a toujours les couleurs du brésil peintes sur son visage (si mes souvenirs sont exacts). Hayat, dans sa robe rouge, monte sur le bateau. Elle sort son rouge à lèvres. Elle commence à s’en passer grossièrement sur les lèvres, puis déborde et s’en barbouille le visage. Au final, elle est tout en rouge à coté d’un garçon jaune et bleu. Finalement, il sera aux couleurs du Brésil, et elle à la couleur de la Turquie. Tous deux, côte à côte, dans le même bateau, et le nez au vent, heureux. Cet épilogue montre que la Turquie souhaite se projeter hors de ses frontières, mais qu’en même temps, elle sait rester « Stambouliote ».

 

Une Turquie au point mort ?

 

Il est regrettable que cette chronique n’ait pas d’ambition plus grande qui la sous-tende : Le personnage principal « Hayat la Turquie » n’a pas d’ambition sur le long terme. Elle ne s’exprime qu’à travers son mutisme. Elle ne sort pas de ce mutisme figé comme son grand-père ne sort pas de sa guérison. Et « si un film est comme un train en marche… » pour paraphraser Truffaut,  la voie du chemin de fer ne semble pas être encore construite…

Enfin, le trailer, en turque non sous-titré (désolé) :


Hayat Var

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