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Un amour fictif
16 septembre 2010

Big Fish 02

Suite à l'introduction publié la semaine dernière à l'adresse suivante : http://tomthomaskrebs.canalblog.com/archives/2010/09/09/index.html , voici la première moitié de la... première partie.

BigFish_affiche

I.                   BIG FISH, LE LIVRE ORIGINAL & LE FILM DE TIM BURTON

Pour comprendre les différences entre le livre et le film, il faut observer successivement les genèses de chacune des deux œuvres. Lorsque l’on aura une première idée des modifications formelles, nous pourrons étudier la symbiose de deux lieux du roman en un seul dans le film, et la séparation d’un être du récit en trois dans la réalisation. Ceci permettra de comprendre ce que sont devenus les objectifs du romancier dans le film.

A.    Genèse

Pour chaque étude, nous verrons la genèse propre de l’objet, puis les objectifs qui l’ont conduit à être tel qu’il est, avant de décrire son synopsis.

1.      Le livre 

                                                                                      i.      Genèse

Daniel Wallace a été bercé par les mythes depuis que, tout jeune, il s'est intéressé à une statue représentant Vulcain, à Birmingham, en Alabama. Il s'est ensuite documenté, et c'est au travers de lectures comme La Mythologie d'Edith Hamilton[1] ou Le Rameau d’Or de James Frazer[2] – parmi d'autres – qu'il a prit conscience que tous les récits ont leur source non seulement dans la structure mais aussi dans l'esprit des mythes.

Il a acheté une machine à écrire et s'est établi en tant que libraire. Parallèlement à son travail, il a écrit cinq premiers romans qui suivent une ligne dramatique classique : il n’a pas été convaincu ; les éditeurs non plus, puisque tous ses romans sont restés inédits. Il est reparti d'un pied nouveau, et s’est mis à écrire des morceaux de textes autour d'un personnage de père riche, au caractère excentrique, à la fois chaleureux et généreux, mais insatisfait de sa vie émotionnelle, de sa vie en général. Daniel Wallace avait alors écrit la première version de ce qui deviendrait un chapitre de Big Fish : ‘‘Où il achète une ville et davantage’’. Après ce premier chapitre, il développa quelques scènes autour de ce héros. Quant il en eut écrit deux ou trois, il commença à entrevoir une progression dramatique, avec début, milieu et fin. Puis il écrivit un premier jet du roman en suivant cette progression. Cette version initiale était remplie de notes de bas de pages qui expliquaient les extravagances – par exemple que le géant n’était pas un vrai géant, mais qu’il était un homme imposant, etc. Wallace aimait beaucoup les notes en bas de page, mais il les trouvait difficile à lire. Aussi les a-t-il supprimées par la suite.

                                                                                    ii.      Objectifs

Le court roman de Daniel Wallace est partagé entre plusieurs tentations différentes : c’est à la fois un récit de vie et un roman d’initiation ; l’histoire d’un fils qui veut préserver les mythes forgés par son père pour lui rester fidèle, et celle d’un père qui raconte des fables à son fils pour l’éduquer. Éliminer la noirceur du premier jet a été l’enjeu d’un gros travail mené par Daniel Wallace avec son éditrice qui souhaitait publier un livre axé davantage vers la célébration d’un père, donc moins sombre.

Aussi, le texte oscille sans cesse entre le merveilleux et le mythique. Edward semble toujours porté par des Dieux et souhaitant former son fils, Will, il lui conte des histoires exemplaires. Big Fish relève du merveilleux par l’univers qu’il met en place, peuplé de personnages surhumains. À partir du moment où il relatera les exploits de sa naissance, Will cherche à réutiliser les légendes héritées de son père.

                                                                                  iii.      Synopsis du roman

Nous venons de voir les différentes sources d’inspirations de Daniel Wallace ; observons à présent le synopsis du roman :

Big Fish, un roman aux proportions mythiques raconte la vie d'Edward, de sa naissance à sa mort et à sa métamorphose en autre chose, en un gros poisson. Le texte est construit sur deux plans entremêlés : une suite de flashes-back où Will, le fils d'Edward, raconte la vie passée de son père, telle que ce dernier la lui a rapportée ; et l'histoire présente de sa mort (découpée en quatre chapitres) suivie de sa métamorphose, contée elle aussi par Will.

La composition du texte est découpée en trois parties qui déterminent les grandes étapes de la vie d'Edward : son enfance, ses études, son fils[3].

Dans la première partie, Will nous conte qu'en naissant, Edward a amené la pluie dans la ville d'Ashland, aride depuis quelque temps, et que ce nouveau né a tout de suite eu des dons surhumains – notamment celui de parler aux animaux. Il nous conte ensuite une anecdote amusante sur l'année où il a neigé en Alabama : Edward n'a peur de rien, ce qui laisse présager d'une jeunesse prometteuse. Après ses premiers pas dans la vie, Will nous apprend qu'en fait, à l'heure où il parle, Edward est sur le point de mourir. Puis, nous repartons dans sa vie trépidante, nous apprenons comment il a vécu ses premiers émois amoureux, comment, par la suite, il a développé un charme ‘discret’, et comment, sans aucune peur il est parti dompter un géant pour le transformer en plus grand fermier d'Ashland. Puis, après une partie de pêche, il décide de quitter Ashland, ce qui n'est pas sans danger : il doit traverser le Lieu sans Nom... passage qu’il franchit avec succès.

La seconde partie se déroule pendant ses années d'études universitaires. Un épisode avec un œil de verre à pouvoirs maléfiques précède un retour au présent, où Edward est sur son lit de mort, bien que toujours vivant : il commence une dure métamorphose, peut-être la dernière. Ce chapitre est suivi de la façon dont Edward a conquis sa femme, puis des petits déboires du couple avant que l’homme ne parte en guerre. C'est ensuite une troisième vision de la mort de son père que conte Will, avant de continuer sur sa propre naissance, qui fait écho à celle de son père. Après cela, il nous conte ce qu’Edward voyait en lui, comment il lui a sauvé la vie, et comment jeune, il l'a cru immortel. Will achève cette partie en décrivant un rêve que son père a fait sur sa propre mort.

Dans la dernière partie, Will décrit pourquoi son père n'est jamais chez lui, puis fait le lien entre l'histoire passée et l'histoire présente en présentant Edward qui revient de l'hôpital avec ses tests – mauvais. C'est alors sa mort, suivie de sa métamorphose finale en poisson qui sont contées.

2.      Le film

A présent, il nous faut étudier la deuxième œuvre. Celle-ci se décompose en deux objets : un scénario, écrit par John August, et le film réalisé par Tim Burton. Là encore, nous étudierons la genèse du scénario puis du film, avant d’observer les objectifs des parties prenantes de cette aventure, afin de pouvoir remettre le synopsis du film dans son contexte.

                                                                                      i.      Genèse 

John August a découvert le livre sous forme manuscrite six mois avant sa publication chez Algonquin Books of Chapel Hill. Il n’apprécia pas le texte, notamment pour une raison de formatage. Il le redécouvrit à sa sortie, et le trouva simple et imaginatif. Parallèlement, la réalisation de son premier scénario, Go[4], s’enfonçait dans une phase de postproduction, et le film ne semblait plus pouvoir voir le jour. Ne souhaitant pas être cantonné à des scénarios du même acabit, il voulait écrire quelque chose de totalement différent.

Ce livre tombait donc du ciel. Le scénariste a convaincu les studios Colombia Pictures de prendre une option sur les droits du livre, mais, alors emporté par d’autres projets, il ne commença l’adaptation que dix-huit mois plus tard, alors que son intérêt pour l’histoire s’était émoussé.

Aussi, ne voyant plus ce qu’il avait initialement souhaité en faire, il adapta tout d’abord le plus facile à transposer : le chapitre ``Le jour où il est né’’. Ce chapitre présente la naissance d’Edward qui fait tomber un déluge sur un désert. Cette séquence était rapide et facile à écrire : dynamique, elle présentait en peu de mots l'action et les personnages, et imposait un climax fort. Hélas, aucun protagoniste n'intervenait dans le cadre de cette action, les parents d'Edward n'ayant pas une importance capitale dans la suite du récit. Ce prologue, composé de la naissance d'Edward et de la ville aride d'Ashland qui voit arriver un déluge, ne lançait pas non plus l'action : les deux éléments de cette scène sont placés en parallèle, sans que l'une n'intervienne sur l'autre.

En août 2000, August contacta les producteurs Dan Jinks et Bruce Cohen (American Beauty). Ces derniers acceptèrent de mettre le film en chantier. Ils contactèrent Steven Spielberg, qui voyait Jack Nicholson dans le rôle d’Edward vieux. John August ajusta le personnage à cet acteur, sur plusieurs réécritures, mais Spielberg se désintéressa du projet, pris par celui de Arrête-moi si tu peux. Après avoir approché le réalisateur de Billy Elliot, Stephen Daldry, les producteurs se sont arrêtés sur Tim Burton. Dès que Spielberg eut abandonné le projet, John August mit au point une nouvelle version qui plut tout de suite au nouveau réalisateur. En signant pour ce film, Burton y adjoignit un nouveau producteur, Richard D. Zanuck (La planète des singes).

                                                                                    ii.      Objectifs

La Colombia voyait en ce film un father-son drama[5], et souhaita le sortir pour la période de noël 2003. Le tournage commença en janvier de la même année, ce qui fut un peu rapide au dire des producteurs, mais comme tous voyaient dans ce projet un superbe film de vacances qui rassemblerait toute la famille, ils travaillèrent avec acharnement… avec les meilleurs de leur profession.

Les producteurs ont entourés Tim Burton de plusieurs techniciens oscarisés – le caméraman Philippe Rousselot (Et au milieu coule une rivière), le directeur artistique Dennis Grassner (Bugsy, le gangster sans scrupules), la costumière Colleen Atwood (Chicago) – ou nominés aux oscars comme le monteur Chris Lebenzon (USS Alabama) ou le compositeur Danny Elfman. Sans grande surprise, les acteurs pressentis ont tout de suite souhaité travailler avec Tim Burton, aussi la production put se permettre un casting de haute volée, avec des acteurs à la fois connus (Albert Finney, Ewan Mc Gregor, Helena Bonham Carter) et compétents (Steve Buscemi, Danny DeVito).

C’est donc une assurance de qualité que présente l’affiche de ce film, qui semble être destinée à entrer, tel que définis par le studio et les producteurs, dans la catégorie des father-son drama. Nous étudierons le scénario dans ce genre cinématographique dans notre deuxième partie.

                                                                                  iii.                 Synopsis du film

A présent, nous pouvons lire le synopsis du film[6] :

Big Fish présente une double ligne dramatique : d'un côté, les histoires d'Edward sont remises en image, et de l'autre Will, son fils, veut en démêler le vrai du faux. Ces deux histoires s'entremêlent, jusqu’à ce que Will conte à son tour un mythe à son père.

Le film s’ouvre sur Edward racontant la même histoire au travers des années, histoire à laquelle son fils ne croit plus. Après trois ans de rupture entre eux, Sandra, sa mère, apprend à Will que la maladie de son père entre en phase terminale : Will décide de revenir chez ses parents avec sa femme Joséphine pour régler le différent qui les oppose.

Dans l'avion, il se souvient de ce que lui racontait son père à propos de la sorcière à l'œil de verre, où ce dernier a vu sa mort.

Chez ses parents, le docteur Bennett est soucieux. Will se dispute avec Edward, puis, passant dans le couloir, il voit sa chambre d'enfant, qui lui rappelle ce que lui racontait son père, alors qu'il avait la varicelle : un problème de croissance accélérée l’obligea à rester trois ans au lit ! Il ne s’est éduqué que grâce à l'encyclopédie et, après une révélation, il décida de devenir le meilleur... Et il réussit, tout en faisant involontairement de l’ombre à un de ses camarades, Don Price. Soudain, un géant, Karl, arriva sur les bords de la ville d'Ashton et y vola des moutons pour manger. Edward l'arrêta et quitta Ashton avec lui.

Un instant, il s'éloigne de Karl et découvre, seul, une ville de conte de fée, Spectre, où vivent, entre autres, le poète Norther Winslow et la petite Jenny Hill de huit ans. La nuit, Edward voit une fille inconnue dans la rivière qui borde cette ville, mais, lui dit Jenny, c'est un poisson. Il décide de quitter Spectre, et après un retour mouvementé, il retrouve Karl qui l'attendait. A deux, ils continuent leur chemin.

De retour au temps présent lors du dîner réunissant la famille. La tension entre Will et Edward est sensible. Seul avec Joséphine, le soir, Edward lui raconte comment il a connu sa femme. Il arrive dans le cirque Calloway et y fait engager Karl. Il voit l'amour de sa vie, Sandra Templetown, et pour découvrir qui elle est, il se fait engager à son tour comme garçon d'entretien. Au bout d'un certain temps, il convainc Calloway de lui donner les derniers renseignements sur cette superbe inconnue. Il court faire sa déclaration à l'élue de son cœur, mais Sandra est sur le point de se marier avec Don Price. Par tous les moyens possibles, il lui démontre son amour et finit par s'affronter à Don. Sandra choisit finalement d’épouser Edward, mais tout de suite, il est envoyé en guerre de Corée. Il effectue une mission difficile, et déserte l'armée avec une Coréenne siamoise. Il retrouve sa femme plusieurs mois après qu'elle a reçu un papier militaire annonçant sa mort officielle.

Alors qu'ils sont dans leur chambre, Joséphine conseille à Will de parler à son père. La tension entre eux est exacerbée. Puis, Sandra amène Will et Joséphine dans le bureau annexe d'Edward : ils découvrent que le père est effectivement passé pour mort, et Will se souvient de l’histoire des Handimatics qu'il a vendus, de celle du braquage de banque avec le poète Norther Winslow, et par suite, la façon dont il s'est acheté sa maison définitive.

Will trouve aussi un papier de cessation de droit, au nom de Jenny Hill. Il roule vers Spectre et l’interroge. Elle lui raconte comment Edward, perdu, est revenu à Spectre au bout de vingt ans, comment il a racheté la ville et comment, en rénovant sa maison avec l'aide de Karl, il l'a séduite sans le vouloir.

Will se dépêche de rejoindre l'hôpital où son père a été conduit. Il apprend du docteur Bennett la vraie version de sa naissance, et il raconte à son père de quelle façon il va disparaître : il serait sur le point de se transformer en poisson chat. A l'enterrement, tout le monde est là, et Will remarque que les amis d’Edward, tel qu'il les voit, sont effectivement monstrueux, mais que les disproportions physiques sur lesquelles s'appuyaient les histoires d’Edward sont moindres.

Epilogue : Will perpétue les histoires que son père lui a racontées en les racontant à son tour à ses enfants.

La prochaine fois, nous verrons ce que sont devenus les objectifs du romancier dans le film... à l'adresse suivante :

http://tomthomaskrebs.canalblog.com/archives/2010/09/20/index.html

[1] Edith Hamilton, Mythology.

[2] James George Frazer, The Golden Bough: a Study in Magic and Religion.

[3] La liste des titres de chapitres de Big Fish est mise en annexe 2. 

[4] Go est une comédie d’adolescents dealers de drogue. 

[5] Ce terme, un peu flou de notre coté de l’atlantique, n’est autre qu’une distinction d’un genre fédérateur : le mélodrame hollywoodien. 

[6] Les premiers travaux du scénariste, les outlines sont présents en annexe 3 et 4. 


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